La campagne bat son plein dans la petite ville de Nashua. Avant un meeting du candidat républicain Mitt Romney, cette militante enlève les pancartes de soutien à son rival John McCain. Crédits photo : AFP
Dans cet État du Nord-Est, qui vote aujourd'hui, 44 % d'électeurs n'appartiennent à aucun parti. Ils n'en sont que plus courtisés. Le démocrate Barack Obama et le républicain John McCain semblent avoir leur préférence.
C'est devenu une habitude : au début de chaque rassemblement électoral, Barack Obama demande aux indécis de s'identifier. Dans le gymnase de l'Académie Pinkerton à Derry, au sud-est de Manchester, environ un tiers des 800 personnes présentes lèvent la main. «On est à votre poursuite, vous êtes dans notre viseur, les prévient le candidat démocrate. Ma mission est d'être si persuasif qu'un rayon de lumière va vous frapper et que vous allez être touchés par la grâce !»
Si les électeurs qui restent à convaincre sont encore si nombreux, alors que le New Hampshire vote aujourd'hui dans des primaires cruciales, c'est que le petit État du Nord-Est s'en est fait une spécialité. Dans l'Amérique du bipartisme démocrate et républicain, il existe un troisième parti qui est ici le premier : celui des indépendants. D'après les registres officiels, 44 % des électeurs inscrits ne sont affiliés à aucune des deux grandes formations politiques. La loi de l'État leur permet de participer à la primaire de leur choix, à condition qu'ils ne votent qu'une fois.
En 2000, 62% d'entre eux avaient choisi de s'exprimer dans le camp républicain, donnant l'avantage à John McCain sur George W. Bush. Cette année, signe du désir d'alternance, les sondages prédisent qu'ils voteront dans les mêmes proportions à la primaire démocrate.
«Vivre libre ou mourir»
Tom Bear, 44 ans, patron d'une entreprise locale de maintenance d'avions, fait partie de ceux qui ont levé la main. Jusqu'en 2000, il était inscrit comme républicain. Son aversion de Bush et son désir de «garder» sa «liberté d'esprit» l'ont conduit à changer d'étiquette. «J'hésite entre Obama et McCain, dit-il sous le regard empli de reproche de sa fille Kaitlyn, 14 ans, qui préfère Obama. Les indépendants sont plus favorables au changement.» John Webster, lui, a toujours voté démocrate, «mais je veux être libre de changer d'affiliation, explique cet informaticien de 59 ans. Le New Hampshire est un État farouchement indépendant.» Nancy Paris, 52 ans, a abandonné le Parti républicain il y a six mois pour Obama : «Il apporte des idées neuves et il va impliquer la jeune génération dans le processus politique», dit-elle
Ces électeurs sont typiques de «l'État de granit», dont la devise est «Vivre libre ou mourir», dont la Constitution garantit le droit de se révolter, qui ne connaît ni impôt sur le revenu ni TVA, et qui n'impose ni le port du casque ni la ceinture de sécurité aux plus de 18 ans. Ici, la «démocratie de clocher» n'est pas un slogan : on compte un député pour 3 000 citoyens et la plupart des officiers publics sont élus tous les deux ans. Dans cette enclave de 300km de long sur 110 de large accrochée au Canada, les 1,2 million d'habitants pratiquent la politique au détail, comme l'épicerie du mê-me nom. Depuis 1920, le rendez-vous des primaires, en tête du ca-lendrier en vertu de la loi, est au New Hampshire ce que le salon de l'auto est à Detroit : un événement à l'écho mondial et une bonne affaire rapportant 300 millions de dollars.
Prenant leurs responsabilités au sérieux, 500 000 personnes de-vraient se rendre aux urnes aujourd'hui (50% de plus qu'ailleurs), dont au moins un tiers de non affiliés. Sur les registres officiels, on ne compte que 31% de républicains et 26% de démocrates, même si une fraction des indépendants est acquise à l'un des partis. Les vrais indécis, susceptibles de passer d'un camp à l'autre, sont estimés à 25% de l'électorat, plus qu'il n'en faut pour faire basculer un scrutin. «On ne gagne pas une élection dans le New Hampshire sur le seul vote partisan, explique Paul Hodes, un député local. L'électorat indépendant est toujours le plus important.» Côté démocrate, ces électeurs pencheraient à 34% pour Obama et à 29% pour Hillary Clinton. Côté républicain, ils soutiendraient John McCain à 36%, contre 25% en faveur de Mitt Romney.
«Concours de beauté»
Le même phénomène se développe dans tout le pays, où le taux d'indépendants est passé de 4% en 1966 à 22% cette année. Du coup, leur impact sur la présidentielle se fait sentir comme jamais. «Ils ont tendance à préférer les candidats non conformistes, observe Dante Scala, professeur de sciences politiques à l'université du New Hamp-shire. Ils détiennent une carte maîtresse car ils permettent de vérifier l'éligibilité d'un candidat.» Obama leur tient un discours sur mesure : «Nous avons une chance de nous rassembler, démocrates, républicains et indépendants, pour réaliser le type de changement dont nous avons besoin, dit-il au public de Derry. Nous sommes sur le point de former une nouvelle majorité capable de remporter la présidentielle en novembre et de gouverner le pays.»
Cette perspective inquiète et agace l'establishment démocrate, majoritairement rangé derrière Hillary Clinton. Mary-Louise Hancock, 87 ans, «grande dame» du parti dans le New Hampshire, «déplore» que les indépendants déterminent le résultat des primaires, estimant que cela change l'exercice en «concours de beauté dominé par les étudiants et la mode du jour». À droite, les caciques redoutent l'impact de Ron Paul sur des indépendants d'un autre genre, rassemblés dimanche à Nashua par le Parti libertarien : «Nous allons vers un socialisme fasciste où les trusts couchent avec le gouvernement, a dit le Dr Paul. Si nous ne faisons rien, le système va s'écrouler, car il ne vaut pas mieux que le système soviétique.» Il a reçu une ovation.
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